J.O. 159 du 10 juillet 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 8 juin 2004 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2004-497 DC


NOR : CSCL0407391X




LOI RELATIVE AUX COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

ET AUX SERVICES DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE


Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au second alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et en particulier les articles 13, 41, 58, 70, 72, 73 et 74.


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I. - Sur l'article 13 de la loi


Cet article modifie la dernière phrase de l'article L. 35-2 du code des postes et télécommunications en confiant à un décret le soin de préciser les conditions d'encadrement des tarifs du service universel, à travers soit une mesure pluriannuelle, soit une opposition ou un avis préalable de l'Autorité de régulation des télécommunications (ci-après : ART).

Un tel mécanisme tend, en réalité, à déposséder le ministre en charge des télécommunications de son propre pouvoir et viole les articles 21 et 34 de la Constitution.


I-1. Sur la méconnaissance de l'article 21 de la Constitution


Il résulte de l'article 21 de la Constitution que le Premier ministre assure l'exécution des lois et, sous réserve des dispositions de l'article 13, exerce le pouvoir réglementaire ; qu'il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Vous avez alors jugé que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité publique autre que le Premier ministre le soin de fixer les normes permettant de mettre en oeuvre une loi, c'est à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d'application que par leur contenu.

Saisis de la loi portant réglementation des télécommunications, vous avez admis la dévolution d'un tel pouvoir réglementaire à l'ART aux motifs que cette compétence restait strictement entendue car s'exerçant dans le cadre du code des postes et télécommunications, étant bornée de surcroît par les clauses types du cahier des charges arrêté après avis de la CSSPPT s'imposant aux opérateurs, et, enfin, qu'elle était placée « sous le contrôle du ministre chargé des télécommunications » (décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996).

Or, en l'espèce, l'article 13 aboutit à retirer au ministre un pouvoir fondamental en matière de réglementation des télécommunications pour le confier soit directement à l'ART, soit pour le placer sous son contrôle effectif, déterminant et contraignant.

A cet égard, le droit de veto accordé à l'ART sur la décision du ministre ou le pouvoir de donner un avis conforme signifie que le pouvoir de décision en la matière appartiendra, en définitive, à cette autorité de régulation. Au mieux des hypothèses envisageables, il reviendra au Gouvernement, légitime devant la représentation nationale, à négocier sa décision après un veto ou un avis négatif exprimé par cet organisme.

Ainsi donc, là où existait un pouvoir d'homologation des tarifs universels par le ministre, apparaît le pouvoir d'autorisation de l'ART.

Autrement dit, la logique portée par l'article 21 de la Constitution, et telle que précisée par vous, est littéralement renversée et c'est le pouvoir gouvernemental qui se voit imposer les choix, certes, indépendants, mais politiquement irresponsables, de l'ART, et ce dans le domaine du contrôle tarifaire du service universel. C'est-à-dire dans un domaine qui doit permettre de faire respecter la conception du service public dans sa dimension sociale et territoriale au coeur de laquelle se trouve le principe d'égalité.

La transposition des directives communautaires constitutives du « paquet télécommunications » n'oblige en rien la France à méconnaître de la sorte sa répartition constitutionnelle des compétences et des pouvoirs, et notamment pas pour ce qui est du respect du service universel dont participe la maîtrise équitable des tarifs.

Le grief est d'autant plus sérieux que les conditions d'exercice de ce pouvoir par l'ART doivent être définies ultérieurement par voie de décret mais dans un flou constitutionnellement non conforme.


I-2. Sur la violation de l'article 34 de la Constitution


Concernant l'importance de la tarification du service universel en matière de télécommunications et de la dévolution d'une compétence relevant normalement des prérogatives gouvernementales, il eût été nécessaire que le législateur encadrât les pouvoirs de l'ART.

Il n'en est rien et l'article 13 laisse indéterminées les conditions de contrôle de ces tarifs.

Ainsi, il revient au pouvoir réglementaire de décider dans quelles conditions le pouvoir du ministre en charge des télécommunications verra sa compétence, pourtant tirée de l'article 21 C, contrainte, voire contredite par l'ART.

On cherchera, en outre, en vain dans la loi ce que signifie la notion de « mesures d'encadrement pluriannuel » ou les fondements objectifs et rationnels de l'opposition ou de l'avis préalable que pourrait décider, proprio motu, l'ART.

A supposer, pour les seuls besoins du raisonnement, que l'on admette qu'une autorité indépendante puisse opposer un tel veto dans le champ de l'article 21 C, encore faudrait-il prévoir dans la loi, et dans la loi seulement, les conditions d'une telle prérogative.

Pourtant, c'est au travers de concepts imprécis et juridiquement incomplets que l'article 13 délègue à l'ART le pouvoir critiqué.

De tous ces chefs, la censure est inévitable.


II. - Sur l'article 41 de la loi


Cet article a pour objet d'ouvrir la possibilité aux services privés de télévision à vocation nationale effectuant des décrochages locaux, trois heures par jour, de procéder à de la programmation de messages publicitaires diffusés sur l'ensemble du territoire national.

Une telle évolution du droit de l'audiovisuel, supprimant la garantie de l'ancien article 28 de la loi du 30 septembre 1986, porte atteinte à l'article 11 de la Déclaration de 1789 et à l'objectif constitutionnel de préservation du pluralisme et de l'équilibre des différents courants d'expression soumis à l'influence des potentialités formidables des moyens technologiques audiovisuels.

Plus encore, cette disposition dérogatoire, que certains ont cru législativement confectionnée sur mesure, contredit directement et immédiatement votre propre jurisprudence.

Il est à peine besoin, à cet égard, de rappeler votre appréciation du dispositif autorisant lesdits décrochages locaux selon laquelle ceux-ci « doivent être réalisés sous la seule responsabilité éditoriale du service de télévision concerné, qu'ils sont limités à trois heures par jour sauf dérogation du CSA, lequel est tenu, sous le contrôle du juge, d'observer l'ensemble des obligations qui lui incombent ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article 7 interdisent le recours à la publicité et au parrainage en vue notamment de ne pas porter atteinte aux conditions pluralistes d'exercice de la liberté de communication par la presse quotidienne régionale et les radios locales ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 7 ne peuvent être regardées comme méconnaissant l'objectif à valeur constitutionnelle du pluralisme » (décision no 93-333 DC du 21 janvier 1994).

On le voit, c'est sous la condition de l'absence de diffusion de messages publicitaires à l'occasion de ces décrochages locaux par les télévisions privées nationales que le dispositif ici modifié avait été constitutionnellement admis.

Tout le monde mesure à cet instant que l'ouverture des vannes publicitaires dans de telles conditions déstabiliserait le marché des annonceurs locaux et, en particulier, la presse locale, mais aussi les radios locales seraient gravement affectées. Le développement de la télévision locale en pâtirait inévitablement et son essor en serait contrarié sauf à passer sous le contrôle de certains groupes, comme le permet, par ailleurs, l'assouplissement des règles anticoncentrations.

Pourtant, le pluralisme s'entend de la possibilité d'un développement d'une offre variée et conséquente de moyen d'expression des idées et des opinions. La liberté d'expression et de communication comme le pluralisme sont les fondements de la démocratie. Les destinataires des outils permettant leur circulation doivent donc pouvoir choisir librement parmi une offre réellement ouverte.

Or, en l'occurrence, et sans qu'aucune justification ne s'impose, et certainement pas l'intérêt général, l'article 41 crée les conditions certaines d'un affaiblissement programmé de ces libertés.

La censure ne manquera pas d'intervenir.


III. - Sur l'article 58 de la loi


Cet article modifie radicalement les conditions d'exercice de ses pouvoirs par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en complétant l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986. Il en résulte que, pour les services de radio diffusés par voie hertzienne, la motivation du refus d'autorisation se fera par référence à un rapport de synthèse explicitant les choix du conseil au regard de différents critères.

Un tel dispositif qui réduit les garanties accordées à la liberté de communication, outre le non-respect de l'effet dit « cliquet », méconnaît l'objectif constitutionnel du pluralisme et l'article 16 de la Déclaration de 1789 consacrant le droit à un recours effectif.


III-1. Sur la suppression de garanties accordées au pluralisme


L'obligation faite au législateur de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles (décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986, considérant 4, rec. p. 141) est ici méconnue par la suppression de la motivation complète et détaillée de la décision de refus d'autorisation, suivie d'une notification individuelle.

Le système retenu se contente de prévoir, le cas échéant, une motivation par référence à un rapport de synthèse, soit donc une motivation qui, par définition, ne pourra qu'être imprécise et ne visera pas concrètement l'ensemble des considérations ayant précédé la décision.

Or, une autorisation accordée en ce domaine, ou un refus, a un impact concret et certain sur le degré de préservation du pluralisme, au niveau local comme au niveau régional ou national. Il s'agit au travers des garanties procédurales entourant l'examen des dossiers et précédant l'octroi ou le rejet de s'assurer que la décision permettra de favoriser l'expression de tous les courants d'opinion et l'honnêteté de l'information diffusée.

En l'espèce, aucune autre garantie équivalente ne vient remplacer celle supprimée. Non seulement, d'une part, la motivation désormais applicable n'est que potentielle - « peuvent être motivées » - et, d'autre part, établie par référence à un rapport général non exhaustif ne couvre pas l'intégralité des raisons du refus.

Le principe de la motivation non stéréotypée et précise des décisions individuelles refusant un droit ou privant une personne physique ou morale de l'exercice d'une liberté publique se rattache d'abord à la garantie du pluralisme. Il est également, ensuite, la conséquence du droit à un recours effectif consacré par l'article 16 de la Déclaration de 1789 et des droits de la défense.


III-2. - Sur l'article 16 de la Déclaration de 1789

et le principe des droits de la défense


Il s'évince de ce qui précède que seule la motivation complète, jusqu'alors en vigueur, est de nature à satisfaire le droit à un recours et la possibilité de défendre pleinement et contradictoirement sa cause et son dossier (décision no 96-373 DC du 9 avril 1996).

D'une certaine manière, vous avez eu l'occasion de rappeler la force de cette logique procédurale en jugeant que le CSA, dans l'exercice de ses compétences, est « soumis, à l'instar de toute autorité administrative, à un contrôle de légalité qui pourra être mis en oeuvre tant par le Gouvernement que par toute personne qui y aura intérêt, qu'il incombera tout particulièrement à la juridiction administrative de veiller tout particulièrement au respect de l'objectif du pluralisme » (décision du 21 janvier 1994 précitée). C'est dire que, pour répondre à cette rigueur de forme et de procédure, chaque dossier doit faire l'objet d'un examen complet et individuel.

L'obligation de motivation existante jusqu'alors participait évidemment de cette garantie.

En la supprimant pour y substituer une motivation aléatoire et par référence à un rapport général, le législateur prive les intéressés du droit de voir leur situation examinée réellement par le juge, ce dernier ne disposant pas d'éléments propres à ouvrir sur un contrôle de légalité satisfaisant puisque confronté à une ratio decidendi floue et imprécise.

De la même manière, le demandeur intéressé sera placé dans l'incapacité de faire valoir ses droits dès lors que les raisons précises et effectives ayant fondé la décision en cause seront soit inconnues - motivation aléatoire non réalisée -, soit imprécises - motivation stéréotypée par référence.

Dans la meilleure des hypothèses, ce mécanisme risque d'être justifié par la commodité administrative et la nécessité d'éviter l'encombrement du CSA. Pour aussi important que soit le bon fonctionnement d'une autorité administrative indépendante, cela ne peut pas justifier la suppression d'une garantie légale d'une exigence constitutionnelle, ou plutôt, ici, de deux exigences : le pluralisme et le droit au recours.

De tous ces chefs, la censure est inévitable.


IV. - Sur l'article 70 de la loi


Cet article crée un droit sui generis, au bénéfice d'une catégorie limitée de personnes morales, pour le moins étonnant au regard des objectifs de la loi. Il s'agit donc de l'obligation faite aux distributeurs de services de diffuser, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, les programmes des éditeurs de services de télévision ne faisait pas appel à rémunération des usagers, soit donc les chaînes dites privées. Le dispositif oblige, en outre, le distributeur ainsi contraint d'organiser la présentation et le référencement de ces programmes dans le cadre de son offre commerciale.

Une telle obligation qui ne trouve son fondement dans aucune forme d'intérêt général ou objectif à valeur constitutionnelle est clairement contraire au principe de la liberté d'entreprendre.

La valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre fondée sur l'article 4 de la Déclaration de 1789 est acquise. Certes, vous considérez qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette dernière, ni générale et absolue, des limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, mais à la condition que celles-ci ne contribuent pas à en dénaturer la portée (décision no 98-401 DC du 10 juin 1998, considérant 3, rec. p. 259).

Au cas présent, il ne peut faire de doute que le distributeur de services se voit imposer une obligation hors de toute liberté de choix. Le texte critiqué est ici sans ambiguïté puisque ce dernier « fait droit » à la demande d'une des deux chaînes privées concernées par le bénéfice de cette prérogative tendant à la diffusion de ses services.

Pourtant, la liberté d'entreprendre consiste à pouvoir commercialiser les produits ou services que tout entrepreneur souhaite. Sauf contrainte justifiée par des raisons de même valeur que cette liberté.

Mais, comme en atteste le silence entourant l'amendement à l'origine de l'article critiqué, aucun intérêt général ne vient justifier cette obligation et aucune exigence constitutionnelle n'y invite. La dénaturation de cette liberté est avérée.

S'agissant de l'intérêt général, c'est en vain qu'on le chercherait ici. Les chaînes privées bénéficiaires étant maîtresses des demandes de diffusion, il est aisé d'imaginer qu'elles imposeront la diffusion de leurs services en fonction de leurs seuls intérêts particuliers et de leurs stratégies commerciales et perspectives de rentabilité, et non pour satisfaire un quelconque service universel. C'est donc le contraire de l'intérêt général qui motive ce mécanisme.

Le pluralisme ne peut davantage justifier cette contrainte pesant sur les distributeurs. Pour les mêmes raisons qu'exposées précédemment, le fait que les chaînes privées concernées, après avoir bénéficié gratuitement d'une ressource publique rare, puissent choisir les conditions, les zones et les moments de diffusion de leur services fait de la communication un marché et non l'une des clés du pluralisme (voir votre décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986, considérant 11).

Bien au contraire, c'est le pluralisme qui risque d'être menacé par une telle logique quasi léonine puisque les deux chaînes visées par cet article enregistrent à elles deux près de la moitié de l'audience nationale. C'est dire la puissance d'action qu'un tel droit confère à ces éditeurs à l'égard des distributeurs et de leurs destinataires, citoyens-téléspectateurs.

La dénaturation de la liberté d'entreprendre est donc certaine. Peut-être le raisonnement aurait-il pu être différent si le distributeur avait eu en contrepartie le droit d'exiger la diffusion des programmes de ces éditeurs hors leur volonté propre. Mais cette option n'a pas été retenue et l'obligation de diffusion se fait de manière unilatérale. Aucune disposition des directives n'imposant un tel régime dérogatoire, rien ne peut justifier cette étonnante prérogative.

De tous ces chefs, la censure est certaine.


V. - Sur les articles 72, § II, 73, 74, 75 et 76 de la loi


Ces articles modifient l'équilibre des règles prévues par la loi de 1986 aux fins de limiter les effets des concentrations dans le domaine de l'audiovisuel dans un but de préservation du pluralisme.

Sans reprendre les détails de ces articles qui assouplissent les règles de cumul entre autorisation nationale et locale, de seuil de population, de cumul multimédia, de participation capitalistique, il convient de poser une question de principe.

A l'aune de votre jurisprudence constante, il est acquis que « le pluralisme des courants d'expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuelle n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information ; qu'en définitive, l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu'on puisse en faire les objets d'un marché » (décision no 86-217 DC du 18 septembre 1986, considérant 11).

Faisant application de ces principes, vous avez, après une appréciation globale des différents moyens de communication dont l'audiovisuel, censuré des dispositifs insuffisants pour garantir le pluralisme car ne permettant pas, du fait des lacunes de la loi, de limiter les concentrations (décision précitée, cons. 33 à 36). Si, logiquement, il convient de tenir compte des évolutions techniques et économiques, le principe demeure et vous veillez à son respect (décision no 2000-433 DC du 27 juillet 2000).

En l'occurrence, les évolutions technologiques dont la convergence des techniques de transports de contenus constitue la dimension la plus perceptible ne peut conduire à un assouplissement disproportionné des règles anticoncentrations.

A cet égard, on ne voit pas, par exemple, pourquoi la limite de cinq autorisations de numérique hertzien terrestre devrait être reculée à sept pour un seul titulaire (art. 73 [3°]). Pareillement, rien ne justifie que le plafond de population pouvant être desservie par un même opérateur de télévision locale passe de six à douze millions (art. 73 [4°]). On pourrait multiplier ainsi les illustrations pour montrer que l'on diminue les garanties dues au pluralisme alors que les moyens de télécommunications sont de plus en plus puissants et leurs effets possibles encore plus formidables.

Alors que les limites des concentrations en capital, en autorisation, ou en population desservie devraient être adaptées avec prudence et dans le respect du principe de proportionnalité, le législateur a ouvert les vannes d'un marché de la communication sans bornes ni contrôles. Les dangers pour la liberté de communication et pour la libre expression des différents courants d'opinion sont d'autant plus grands que la jonction entre les différents articles assouplissant le dispositif anticoncentration sur le fait que les grands opérateurs nationaux pourront désormais devenir des opérateurs locaux conséquents. Il faut, en outre, ajouter les risques de concentration entre ces opérateurs dans le domaine des contenus et ceux qui maîtrisent les contenants et les technologies numériques, logicielles et de contrôle d'accès aux programmes.

L'équilibre général conçu pour garantir le pluralisme et l'article 11 de la Déclaration de 1789, ce sont les articles critiqués qui, formant un tout indissociable, doivent être invalidés.

La censure est dès lors encourue.


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Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.

(Liste des signataires : voir décision no 2004-497 DC.)